Les licenciements prononcés par le liquidateur le sont en application de la décision prononçant la liquidation et, sauf fraude, la nullité des licenciements intervenus avant que la société ne soit admise à la procédure de redressement n’emporte pas à elle seule réintégration des salariés dans l’entreprise.
Les faits
Une société qui employait 67 salariés a procédé le 14 avril 2005 au licenciement collectif pour motif économique de 23 salariés, à la suite de la perte d’un marché. Invoquant l’urgence de la situation, elle n’a pas établi de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Plusieurs salariés ont alors sollicité devant la juridiction prud’homale le prononcé de la nullité de leur licenciement.
Le 21 avril 2005, la société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, qui a été convertie le 21 juillet 2005 en liquidation judiciaire. Le liquidateur a alors entrepris, le 2 août 2005, de licencier pour motif économique les 44 salariés encore présents dans l’entreprise.
Par jugement en date du 26 novembre 2006, le Conseil de prud’hommes de Thionville a prononcé la nullité des 23 premiers licenciements pour défaut de plan de sauvegarde, en application des dispositions de l’article L. 1235-10 du Code du travail. Ces jugements n’ont fait l’objet d’aucun recours.
Les demandes et argumentations
Des salariés licenciés par le liquidateur le 2 août 2005 ont saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir prononcer la nullité de leur licenciement et obtenir l’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité du licenciement économique.
Le Conseil de prud’hommes de Thionville a fait droit aux demandes des salariés. La Cour d’appel de Metz, saisie par le liquidateur, a confirmé la position adoptée par les premiers juges sur l’obligation de mettre en place un PSE « dès lors que les vingt-trois licenciements prononcés avant l’ouverture de redressement judiciaire ont été déclaré nuls par un jugement définitif du 26 novembre 2006 et qu’ils procédaient de la même cause économique que les licenciements auxquels avaient procédé le liquidateur, ce dernier était tenu, l’effectif de la société devant être regardé comme étant d’au moins cinquante salariés, d’établir et de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi »(1).
En revanche, elle a estimé que les licenciements étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article L. 1235-10 du Code du travail, lequel exclut la sanction de nullité des licenciements notifiés en méconnaissance de l’obligation d’élaboration d’un PSE dans le cas du redressement ou de la liquidation judiciaire de l’entreprise employeur.
Le liquidateur a formé un pourvoi en cassation en invoquant notamment le fait que les conditions d’effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l’obligation d’établir un PSE doivent s’apprécier à la date de l’engagement de la procédure de licenciement, qui était en l’espèce postérieure au prononcé de la liquidation judiciaire.
Il soutenait également que l’annulation judiciaire des licenciements pour motif économique ne peut produire d’effet rétroactif que sur la relation juridique existant entre les parties à la décision annulée et non à l’égard des tiers(2), de sorte que l’annulation des 23 premiers licenciements prononcés le 14 avril 2005 ne pouvait générer de conséquences sur les licenciements notifiés le 2 août 2005.
Les moyens développés par le liquidateur dans le cadre de son pourvoi, s’ils semblent frappés au coin du bon sens, étaient en revanche plus discutables du point de vue de l’orthodoxie juridique.
La décision, son analyse et sa portée
La Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 21 février 2012 par la Cour d’appel de Metz aux motifs « d’une part, que les licenciements prononcés par le liquidateur le sont en application de la décision prononçant la liquidation et, d’autre part, que sauf fraude, la nullité des licenciements prononcés avant que la société ne soit admise à la procédure de redressement n’emportait pas à elle seule réintégration des salariés licenciés dans l’entreprise ».
Cette décision apporte une précision importante quant à l’effectif à prendre en compte pour la mise en œuvre d’un PSE en cas de vagues successives de licenciement dans le contexte de liquidation judiciaire et définit, ce faisant, les effets de l’annulation des licenciements pour motif économique notifiés par l’employeur in bonis sur les licenciements prononcés par le liquidateur, postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire.
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